Yves Congar
Yves Marie-Joseph Congar ( Sedan, le 8 avril 1904 - Paris, le 22 juin 1995), religieux dominicain, fut l'un des plus influents théologiens catholiques du XX e siècle. Il est connu en particulier pour ses travaux en Ecclésiologie et en OEcuménisme. Tout d'abord exposé aux soupçons puis aux sanctions de l’autorité ecclésiale, il fut ensuite réhabilité, nommé expert au concile Vatican II ( 1962- 1965) et fut élevé au cardinalat par le pape Jean Paul II en 1994. BiographieNé le 13 avril 1904 à Sedan (Ardennes), il y vit la Première Guerre mondiale, remplissant cinq cahiers de notes et de dessins qui offrent un aperçu unique de l'histoire de la guerre du point de vue d'un enfant (ce journal de guerre a été publié en 2001). Il entre au petit séminaire de Reims puis, en 1921, au séminaire des Carmes à l’Institut catholique de Paris, où il rencontre la philosophie thomiste grâce aux oeuvres de Jacques Maritain et de Réginald Garrigou-Lagrange. Oecuménisme et captivitéAprès son service militaire en 1925, il entre au noviciat des dominicains de la province de France, à Amiens, puis effectue ses études de 1926 à 1931 au couvent du Saulchoir, à Kain-la-Tombe, en Belgique, où l'on met l'accent sur l'histoire de la théologie. Dès 1928, il ressent un appel à oeuvrer pour l'unité de tous les chrétiens. Sa thèse de lectorat en théologie portera sur « L’Unité de l’Église ». Ordonné prêtre le 25 juillet 1930, il commence à enseigner l’ecclésiologie au Saulchoir en 1932. A partir de 1935, il est secrétaire de l'importante revue Revue des sciences philosophiques et théologiques, fréquente les JOC, puis lance, en 1937, la collection Unam Sanctam aux éditions du Cerf. Il y publie son premier grand ouvrage théologique, « Chrétiens désunis. Principes d'un "oecuménisme" catholique », en juillet 1937. L' ouvrage fera date mais rendra Congar suspect au yeux de Rome, où l'oecuménisme est très mal vu, qui interdit alors toute participation au mouvement oecuménique. Mobilisé en 1939 et fait prisonnier par les Allemands, Yves Congar reste dans un camp de prisonniers de guerre de 1940 à 1945, où il y tient des conférences pour lutter contre l’idéologie nazie. De retour de captivité, il reprend l’enseignement d’ecclésiologie au Saulchoir, cette fois-ci à Étiolles, près de Paris. Il travaille à corps perdu et publie de nombreux articles, des articles d'actualité dans la revue Témoignage Chrétien ou des articles sur la place du laïcat au sein de l'Église. Congar pense en effet que le laïcat doit recevoir toute sa place cette vraie Église, Peuple de Dieu, et il participe d'ailleurs comme expert au premier Congrès mondial pour l’apostolat des laïcs en 1951. Les années sombresDepuis son retour d'emprisonnement, en 1946, Congar sait qu'il est resté suspect aux yeux de la Curie romaine. En 1950, il publie son ouvrage « Vraie et fausse réforme dans l’Église », un de ses maîtres-livres, qui, publié peu avant l’encyclique Humani generis va rendre Congar d'avantage encore suspect aux yeux du Vatican, à une époque ou le mot réforme semble tabou. C'est l'époque où Pie XII, faisant usage du privilège de l’infaillibilité, proclame le Dogme de l’Assomption, proclamation qui scandalise les protestants - dans la mesure où ce Dogme n’a pas de références bibliques -, et gèlera durablement les relations oecuméniques naissantes déjà oblitérées par la publication de l’Instruction Ecclesia catholica, déconseillant la participation des catholiques aux activités du mouvement oecuménique. Cette mesure sera personnellement renforcée pour Congar par après. Cependant, « Vraie et fausse réforme dans l’Église » a certainement contribué à la possibilité même de la tenue de Vatican II et on rapporte notamment qu’Angelo Roncalli, le futur Jean XXIII, conservait cet ouvrage soigneusement annoté dans sa bibliothèque. A partir de février 1952, Congar doit présenter à la censure ses moindres textes et comptes rendus. En 1953, il publie un nouvel ouvrage d'importance dans son oeuvre, les « Jalons pour une théologie du laïcat », ouvrage qui passe la Censure romaine et changera l’image que la théologie catholique présentait des laïcs. Il sera associé par les autorités romaines à laffaire des prêtres-ouvriers, dans les rangs desquels il compte des amis, probablement pour avoir conclu dans l'un de ses articles qu' « on peut condamner une solution si elle est fausse, on ne condamne pas un problème … » . Il sera alors brutalement mis à l'écart par sa hiérarchie au même titre que son Provincial dominicain et différents théologiens dont Marie-Dominique Chenu. En février 1954, il est envoyé sur sa proposition à l'École biblique de Jérusalem, avant d'être assigné en 1955 dans un couvent de Cambridge où les restrictions qu'on lui impose lui feront comparer cette réclusion à sa captivité. Fin 1956, il est assigné au couvent dominicain de Strasbourg où, sous la protection de l'évêque et exégète sulpicien Jean-Julien Weber, ne pouvant prendre part aux activités oecuméniques, il y prépare sa propre Église et, privé du droit d’enseignement à la faculté de théologie, mène une activité pastorale. Ce n'est qu'à partir 1960 que son horizon se dégagera peu à peu. RéhabilitationAprès cette condamnation au silence au cours du pontificat de Pie XII, il est finalement nommé consulteur de la commission théologique préparatoire du Concile annoncé par Jean XXIII, en 1960, en compagnie de Henri de Lubac, puis il participe aux travaux du Concile Vatican II ( 1962- 1965) comme expert. Il y tient son journal, qui sera publié en 2002. À partir de 1963, enfin libéré de la suspicion qui pesait sur lui, Congar est publiquement reconnu et produit une somme considérable d'articles et de livres. Il a ainsi participé au renouveau de la Théologie catholique au XXe siècle. Avec Marie-Dominique Chenu, Henri de Lubac, Jean Daniélou et d'autres, il réintroduit l'Histoire dans la méthode théologique. Par ses publications, par la collection Unam Sanctam, créée en 1937, il a fortement contribué à l'Ecclésiologie contemporaine. Son influencePour la première fois dans l'histoire de la théologie catholique, avec « Chrétiens désunis. Principes d'un "oecuménisme" catholique » (1937), il donne une valeur théologique positive à l'oecuménisme. « Ce livre, d'une très grande importance, tenta, pour la première fois, de définir théologiquement l'oecuménisme. De manière novatrice, le P. Congar n'envisagea plus la réunion des Églises comme un simple retour au bercail des chrétiens non catholiques, mais comme la possibilité d'un développement qualitatif de catholicité. » Depuis le Concile Vatican II, on parle d'Églises et communautés ecclésiales. Il a ainsi écrit beaucoup sur l' OEcuménisme et sur l'Église, y compris sur la crise intégriste. Son influence fut déterminante pour la suite : A. Roncalli, futur Jean XXIII, alors nonce à Paris, avait lu et annoté « Vraie et fausse réforme dans l'Église » (1950), Paul VI était familier de l'oeuvre de Congar, le jeune Karol Wojtyła, futur Jean-Paul II, a également été influencé à partir de 1946. Yves Congar montrait la même passion pour l'Église et le monde contemporain. Il a profondément marqué la théologie du XXe siècle. S'appuyant sur une connaissance approfondie de l'histoire et une fréquentation assidue des sources, scripturaires et patristiques notamment, il a contribué à préparer théologiquement les grands textes de Vatican II sur la Révélation de Dieu dans l'histoire, l'Église communion, l'oecuménisme, la promotion du laïcat et les ministères. Au début des années 1980, il est hospitalisé, atteint de longue date par une grave maladie neurologique qu'il a jusqu'alors surmontée mais qui l'empêche définitivement de travailler à partir de 1984. Il est créé cardinal par le pape Jean-Paul II le 26 novembre 1994. Il décède le 22 juin 1995 à l'Hôpital militaire des Invalides, à Paris. Notes et références.. BibliographieBibliographie partielle d'Yves CongarYves Congar est l'auteur de plus de cinquante ouvrages et de dizaines d'articles. - Chrétiens désunis - Principes d'un « oecuménisme » catholique, Paris, Cerf, 1937
- Saint Thomas serviteur de la vérité,1937
- Vraie et fausse réforme dans l'Église, Paris, Cerf, 1950 (1º ed.), 1968 (2º ed.).
- Esquisses du mystère de l'Église, Paris, Cerf, 1953
- Le Mystère du temple, ou L'Économie de la Présence de Dieu à sa créature de la Genèse à l'Apocalypse, Paris, Cerf, 1958
- La Tradition et les traditions Étude historique (Vol. I), Étude théologique (Vol, II), Paris, Fayard, 1960-1963
- Les Voies du Dieu vivant, Théologie et vie spirituelle, Paris, Cerf, coll. Cogitatio fidei, 1962
- Sacerdoce et laïcat, devant leurs tâches d'évangélisation et de civilisation, Paris, Cerf, coll. Cogitatio fidei, 1962
- Chrétiens en dialogue. Contributions catholiques à l’oecuménisme, Paris, Cerf, 1964
- Jésus-Christ. Notre Médiateur, notre Seigneur, Paris, Cerf, 1965
- Situation et tâches présentes de la théologie, Paris, Cerf, coll. Cogitatio fidei, 1967
- Cette Église que j'aime, Paris, Cerf, 1968
- Ministères et communion ecclésiale, Paris, Cerf, 1971
- Un peuple messianique. L'Église, sacrement du salut – Salut et libération, Paris, Cerf, coll. Cogitatio fidei, 1975
- La Crise dans l'Église et Mgr Lefebvre, Paris, Cerf, 1977
- Diversités et communion. Dossier historique et conclusion théologique, Paris, Cerf, coll. Cogitatio fidei, 1982
- Martin Luther, sa foi, sa réforme - Études de théologie historique, Paris, Cerf, 1983
- Entretiens d'automne, Paris, Cerf, 1987
- La Tradition et la vie de l'Église, Paris, Cerf, coll. Traditions historiques, 1984
- Église et papauté - Regards historiques, Paris, Cerf, 1994
- Écrits réformateurs (Textes choisis et présentés par Jean-Pierre Jossua), Paris, Cerf, 1995
- Je crois en l'Esprit-Saint, Paris, Cerf, 1995, 880 p.
- L'Église. De saint Augustin à l'époque moderne, Paris, Cerf, 1997
- Journal de la Guerre (1914-1918), Paris, Cerf, 1997, éd. de Stéphane Audoin-Rouzeau et Dominique Congar
- Esprit de l'homme, Esprit de Dieu, Paris, Cerf, 1998
- Journal d'un théologien (1946-1956), Paris, Cerf, 2000
- Vaste monde, ma paroisse. Vérité et dimension du Salut, Paris, Cerf, 2000
- Mon Journal du Concile, tome I : 1960-1963 - tome II : 1964-1966, Paris, Cerf, 2002
Ouvrages sur Yves Congar - Jean-Pierre Jossua, Le Père Congar. La théologie au service du peuple de Dieu, Paris, Cerf, 1967
- Étienne Fouilloux, « Frère Yves, Cardinal Congar, Dominicain. Itinéraire d’un théologien. » in Revue des Sciences Philosophiques et Théologique, LXXIX, 1995
- André Vauchez (dir.), Cardinal Yves Congar, 1904-1995, Actes du colloque réuni à Rome les 3-4 juin 1996, Paris, Cerf, 1999
- Gabriel Flynn (dir.), Yves Congar, théologien de l'Église, Paris, Cerf, 2007
Voir aussiLiens internesLiens externes - Présentation raisonnée de la bibliographie d’Yves Congar, par Jean-Marie Vezin
- Congar avec Chenu et Féret au Saulchoir des années 1930, par Michael Quisinsky
- Yves Congar (1904-1995) : une passion pour l’unité, par Hervé Legrand
- À propos du concile Vatican II, par Mgr Jean Vilnet
- En ligne, le texte intégral de L'Église, De saint Augustin à l'époque moderne, par Yves Congar, Paris, Cerf, 1997
- En ligne, le texte intégral de Chrétiens désunis - Principes d'un « oecuménisme » catholique, par Yves Congar, version corrigée inédite, 1937-2003
- Saint Thomas serviteur de la vérité (1937), par Yves Conger (1937)
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